Marie Nimier, Photo-photo

Gallimard 2010 16 euros 90 216 pages

ISBN 978-2-07-013047-4

« Tout pouvait être le point de départ d’une fiction », déclare la narratrice du dernier roman de Marie Nimier. « Tout », c’est ici une séance de photographies, pour Paris Match, orchestrée par le « Roi de la mode », Karl Lagerfeld, à laquelle se livra, en 2008, la « reine du silence », ainsi que la surnommait son père, Roger Nimier. Cette journée, qui trouve son apothéose dans les trois minutes d’intimité partagées avec le photographe, constitue pour la narratrice un double déclic. «Après cette séance photo, quelque chose aura changé », nous dit-elle, et comme quelque chose aura changé, il faudra l’écrire, écrire donc, comme on enclenche une pellicule dans ces appareils photographiques argentiques, aurait-on pu dire, s’ils existaient encore…

Qu’est-ce qui, lors de cette rencontre, a provoqué un tel bouleversement dans la vie de l’auteure ? Tout d’abord, par l’intermédiaire de cette photographie publiée dans Paris Match, où l’écrivaine apparaissait aux côtés de huit de ses confrères, la narratrice reçoit la lettre d’une vieille dame intéressée par ses…chaussures. De fil en aiguille, elle découvre en elle une admiratrice – avec qui elle sympathise – quasi fétichiste du « Kaiser ». Elle fait la connaissance, en lui rendant visite, de Nadir, le réceptionniste de l’hôtel dans lequel elle vit. « Je retrouvais le plaisir des conversations avec Nadir, son rire clair, son esprit joueur. Il avait toutes les qualités qui manquaient à Stephen, à eux deux ils auraient fait un amant parfait ». Stephen, c’est l’ancien compagnon qui commente les chapitres du livre que lui envoie la narratrice, commentaires qui se lisent comme un métatexte analysant l’écriture en train de se faire.

Aussi une phrase de Lagerfled, prononcée lors de la séance de photographies, selon laquelle elle aurait un sosie à Baden-Baden, amène l’auteure à entreprendre un voyage dans la ville thermale. Elle y recherche Frederika, c’est là son nom, comme on pourrait partir à la quête de soi-même, avec la peur de se rencontrer, de se révéler sur le négatif de la vie. Les destins se croisent ainsi, les amitiés, les histoires d’amour…

A ce récit – décousu et beau comme la vie – vient se greffer l’évocation du regretté Edouard Levé que Marie Nimier avait rencontré… Ces pages qui lui sont consacrées constituent des clichés prenant la forme de souvenirs, de rêves et qui sonnent comme autant d’hommages. Et puis il y a du blanc, comme l’avait noté l’auteur de Suicide dans sa dédicace à Stephen : « Tous les livres s’achèvent de la même façon, toutes les vies de la même façon. Par du blanc ».

Arnaud Genon

Article initialement publié sur le site Parutions.com