Brigitte Ollier, Hervé, Filigranes, 2011

ISBN 978-2-35046-215-8

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Au moment même où la première rétrospective en France de l'œuvre photographique d'Hervé Guibert ouvre ses portes à la maison Européenne de la photographie, une exposition regroupant 230 tirages de l'écrivain photographe, paraît un petit joyau délicat qui lui, rassemble pas moins de 42 témoignages-souvenirs.

42 témoignages-souvenirs de lui (ce certain Guibert), de soi (du témoignant plus que du témoin), d’eux (ceux qui nous excluent par leur unisson), des « nous » (c/ses rares vrais compagnons, c/ses confidentes choisies).

42 évocations, remembrances de Guibert, fragmentées en couleurs (le bleu des yeux, le blanc de sa peau priment, le rouge du chapeau s’y ajoute), en formes (l’évanescence de son corps contre la réalité brutale des tirages photos), en timbre (sa voix « d’intimité », douce et résolue face à sa détermination quand il veut quelque chose), en sons (le bruissement d’un rideau, une porte qui claque).

Ce bijou, car il s’agit ici d’un petit bijou discret et miroitant, ornera parfaitement toute bibliothèque particulière, tels une femme astucieuse ou un homme perspicace font vivre une maison : toujours étonnants, qui à des moments nous font rire (ne ratez pas l’anecdote sur Hervé et le sanglier en pleine forêt), nous impressionnent (sa colère lorsqu’un amant déchu lui refuse une photo convoitée), nous éblouissent (lorsque Guibert « donne son corps à l’art »), nous enlacent avec la délicatesse qui était la sienne, nous traversent comme un fleuve traverse la lande.

Ici, la sotte commémoration est évitée, il n’y a pas de célébration ridicule dans ce livre. Juste des vestiges, la trace, la marque de ce mort-trop-tôt, de cet éternel revenant.

Isabelle Grell