Antoine Silber, Les Cyprès de Patmos, Paris, Arléa, 2014, 120 pages, 17 €

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Après l’émouvant Silence de ma mère (Denoël, 2011, voir ici), Antoine Silber nous invite à venir écouter le très beau chant des Cyprès de Patmos, cette île grecque située en face de la côte turque, non loin de Rhodes, où il a décidé d’acheter, en 2008, avec sa femme Laurence, une petite maison blanche, un « spitaki ».

« Il arrive qu’une maison soit le personnage principal d’une histoire » disait François Truffaut que cite l’auteur au début du chapitre II. Alors oui, ce roman, c’est celui d’une maison, de son histoire, des mythes qui l’habitent, des rêves qu’elle abrite – celui d’une « nouvelle vie, plus calme, plus douce. Plus ensoleillée » – et de tout ce qui pourrait les contrarier.

Lorsqu’Antoine, le narrateur, et Laurence visitent cette maison, il y a comme une évidence. Elle devrait être la leur, cette vue, elle leur appartiendrait. C’est un peu comme une histoire d’amour, quand leurs yeux se rencontrent. Se dessinent en quelques instants les promesses d’un avenir radieux et nécessaire. Mais comme dans les histoires d’amour, tout ne va pas de soi. Il ne s’agit pas simplement de s’aimer pour que l’amour soit simple. Le narrateur et sa compagne le savent bien…

Car Patmos, c’est la Grèce et ici, on ne vit pas comme ailleurs. Bien sûr, la lumière y est plus belle, le bleu plus bleu, le soleil plus chaud, le vin plus agréable et on y tient de longues conversations avec les habitants du village en ne connaissant que quelques mots de leur langue. Mais les notaires ne comprennent pas toujours les actes notariés, les ouvriers arrivent – et vous réveillent – à six heures du matin, c’est à l’aide d’ânes que l’on achemine les matériaux pour les travaux de la maison et les chèvres dévorent les feuilles de vos arbres fraîchement plantés…

Mais il y a beaucoup plus important sur cette île qui fut celle où Saint Jean – qui hante le récit et peut-être même la maison d’Antoine Silber – eut une vision annonciatrice de l’Apocalypse. C’est qu’à Patmos, « la vie prend tout son sens ». On va à l’essentiel, tant avec les éléments qui nous entourent que dans nos relations avec les autres. C’est parfois plus violent, comme l'amour qui s'interroge, mais souvent plus doux, comme le retour, sur nos terres, d’un être aimé qui nous manque et à qui l’on a manqué…

Arnaud Genon