Retour aux sources

Brahim Metiba, Tu reviendras, Elyzad, coll. « éclats de vie », 2019, 64 pages, 13 €.

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Avec Ma mère et moi et Je n’ai pas eu le temps de bavarder avec toi (tous deux publiés aux éditions Mauconduit, en 2015) Brahim Metiba interrogeait la relation entretenue avec chacun de ses deux parents et la difficulté qu’il y avait à se dire, à s’entendre, à s’écouter, à se comprendre. Dans Tu reviendras, son nouveau livre, l’auteur creuse le sillon de ce qui fonde son écriture : les racines. Familiales, culturelles ou géographiques, elles nourrissent Brahim Metiba et son écriture fragmentaire, pointilliste, qui restitue l’impalpable de ce qui nous relie ou nous éloigne des autres.

Tu reviendras, c’est l’histoire d’un retour. Celui du narrateur, un homme vivant à Paris, qui part retrouver, le temps d’une semaine, sa famille et sa terre natale, l’Algérie. Ce voyage à Skikda est d’autant plus difficile pour le narrateur que les relations avec ses parents ont souffert de la révélation de son homosexualité. Mais voilà : « Mon absence avait trop duré, je ne pouvais plus fuir éternellement, il fallait revenir et affronter la situation. Ce serait pour les quatre-vingts ans de ma mère qui coïncident avec mes quarante ans. Ma mère m’ayant eu à quarante ans, ce sera ma renaissance ». Parfois, on ne peut pas ne pas revenir. La nécessité dicte la route qu’il nous faut emprunter.

Que reste-t-il des lieux que nous avons quittés, de ceux que l’on a laissés ? Le narrateur se met à tenir un journal dans lequel il consigne ce voyage mais duquel il ne restitue au lecteur que des bribes, de courtes notations, comme autant d’impressions, de touches qui suggèrent beaucoup plus qu’elles ne disent. Tout l’art de Brahim Metiba se situe dans cet entre-deux, dans cette volonté de dire et sa conscience de la difficulté qu’il y a à y parvenir. Ainsi, le narrateur retrouve sa famille avec son organisation bien définie, les lieux qu’il a foulés dans son enfance et les souvenirs surgissent, les odeurs, les couleurs le renvoient mélancoliquement à un autre temps. Partir, revenir, pourrait-on dire à la lecture de Tu reviendras, c’est se retrouver et faire l’expérience simultanée de l’unité et de l’altérité.

C’est cet impossible que Brahim Metiba traduit ici, de manière très fine et délicate.

Arnaud Genon

Mise en ligne le 12.06.2019