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sur essais critiques

!!!!__Pour une « Nouvelle Autobiographie »__%%%

Compte rendu initialement publié sur le site Fabula, ''Acta Fabula'', Été 2005 (Volume 6 numéro 2).%%%

''Le Nouveau Roman en questions 5'''', une « nouvelle autobiographie »?, '' textes réunis par roger-Michel Allemand et Christian Milat, Paris-Caen, Lettres Modernes, La Revue des Lettres Modernes / L’Icosatheque 22, 2004.%%%


Cet ouvrage collectif constitue la cinquième livraison de la série consacrée au « Nouveau Roman ». Cette fois-ci, c’est sous l’angle de l’autobiographie, ou plus précisément, de ce que Robbe-Grillet a nommé la « Nouvelle Autobiographie », que les auteurs représentatifs de cette « mouvance » (p. 5) vont être envisagés.

L’interrogation préliminaire qui sert de fil conducteur à l’ensemble de l’ouvrage est la suivante : « Comment les ‘Nouveaux Romanciers’ ont-ils contribué à renouveler les formes autobiographiques ? » (p. 28). C’est non seulement à travers des études mais aussi grâce à des « documents » (entretien, lettres…) que le présent recueil tente d’y répondre.%%%

Alors que le « Nouveau Roman » avait bâti sa réputation, entre autres, sur un refus du sujet, il n’échappait cependant pas à la nouvelle dynamique de l’écriture autobiographique que connaissait le début des années 80. Même, pourrait-on dire, il l’alimentait d’un souffle nouveau et transgressif puisqu’il s’agissait, tout en l’investissant, « de contester l’entreprise autobiographique en plaçant sur le même plan le référentiel et l’imaginaire » (p. 14). En ce sens, cette mise au premier plan du « moi » pouvait apparaître aux yeux de certains comme un reniement de ce qui avait été élaboré, tant au niveau de la pratique que de la théorie, pendant l’aventure du « Nouveau Roman ». Christian Milat note d’ailleurs dans son étude, « Robbe-Grillet  autobiographie ou anthropographie ? » que  l’« aveu rétroactif » selon lequel l’auteur n’avait jamais parlé d’autre chose que de lui-même n’était en fait qu’une provocation revendiquée par Robbe-Grillet, car elle « remettait en cause les lectures qui avaient été faites des dix romans parus antérieurement » (p. 93).%%%

Cependant, il ne faut pas attendre le cycle des Romanesques pour constater cette tendance d’un retour au moi. Milat, dans l’étude déjà citée, le démontre en analysant le revirement de Robbe-Grillet qui « n’est sans doute pas étranger à la volte-face déjà effectuée par Roland Barthes » (p. 95) au milieu des années 70. De son côté, Seda Chavdarian, révèle dans son article « Exercices de Trapèze volant, Michel Butor et l’improvisation de soi » que cette mise en avant du sujet au début des années 80 par Robbe-Grillet et Sarraute « ne représente aucun caractère de nouveauté pour Butor puisque celui-ci l’a déjà tentée dès 1967 avec ''Portait de l’artiste en jeune singe'' et, en 1975, avec ''Matière de rêves'', ce qui illustre une fois de plus que Butor a toujours occupé une position d’avant-garde » (p. 46). Et c’est cette expérience qu’il poursuit à travers ses ''Improvisations'' envisagées ici comme un modèle où les frontières entre « auteur, lecteur, critique et théoricien […] seraient supprimées » (p. 53).%%%

Deborah Zeller se penche sur l’ « Autobiographie et authenticité chez Nathalie Sarraute ». Après avoir analysé la notion d’authenticité à travers les textes de philosophes tels que Kierkegaard ou Nietzsche, la critique remarque que Sarraute fait reposer le problème autobiographique davantage sur cette notion que sur l’opposition entre ce qui relève « du référentiel » et « non référentiel », de « l’exactitude » et de « la fidélité » (p. 72) : « l’intérêt de toute scène autobiographique sarrautienne réside, remarque-t-elle, dans son caractère authentique » (p. 72) .%%%

Eileen M. Angelini s’intéresse à Marguerite Duras et aux répercussions du film ''L’Amant'' de Jean-Jacques Annaud sur sa production littéraire. Selon l’auteur, ''L’Amant de la Chine du Nord'' fut écrit dans la mesure où Duras n’avait pas été satisfaite par la réalisation d’Annaud. Mais si le deuxième roman paraît constituer une nouvelle version du premier, des « différences majeures » (p. 76) entre les deux ouvrages existent. C’est en s’intéressant à la technique d’écriture durassienne  qui « consiste à écrire et à réécrire les mêmes souvenirs, pris à différentes époques de sa vie, de manière à retracer progressivement tout son passé » (p. 75) que la critique révèle la spécificité de l’espace autobiographique de Duras. Il est finalement rapproché de celui de Robbe-Grillet dont le titre du dernier roman, ''La Reprise'', ne peut être qu’évocateur dans l’optique d’Angelini.

Suivent les études d’Angela Cozea sur « Claude Ollier Anographe », d’Eugénia Leal sur Robert Pinget et de Michel Thouillot sur « Claude Simon et l’autofiction ». La dernière analyse de cette première partie, celle de Mokhtar Belarbi, s’arrête aussi sur le travail de Claude Simon. Dans « Pour une autobiographie moderne », le critique soutient la thèse selon « laquelle il existe des autobiographies sous l’égide de ''l’épistémè'' moderne » (p. 184) qui de ce fait se trouvent assignées à d’autres impératifs que ceux relevés par Philippe Lejeune. Le mérite de cette contribution est, à partir des ''Géorgiques'' de Claude Simon, de proposer un modèle de l’autobiographie moderne. Ainsi, cinq règles propres à cette nouvelle ère de l’autobiographie sont édictées (p. 208). La première évoque la présence d’un « pacte autobiographique oblique », la seconde pose la présence d’une instance narrative « instable », la troisième souligne le caractère incertain du discours, la quatrième met en relief  « une temporalité […] sapée » et la dernière « une narration discontinue ». Ces règles claires et démontrées à l’aide d’exemples précis contribuent, par leur caractère général, à enrichir et compléter les travaux de Philippe Lejeune.%%%

La deuxième partie de l’ouvrage est constituée de quatre documents, deux entretiens, l’un avec Robbe-Grillet et l’autre avec Butor, une lettre de Philippe Lejeune à Roger-Michel Allemand et des réponses de Claude Simon à quelques questions écrites par R-M Allemand.%%%

Enfin, la dernière partie intitulée « Le nouveau roman en question » aborde tout d’abord le travail de Butor sous l’angle de la « subjectivité, altérité et intertextualité ». Dans cet article, Khalid Dahmany y étudie le passage de l’unicité à la multiplicité du « je » « qui cesse d’être un point fixe et localisable du procès de l’énonciation » (p. 270). Enfin, Roger-Michel Allemand vient clôturer le recueil avec une contribution sur ''Les Romanesques'' qui se veut une ouverture dans la mesure où sont proposées des perspectives de nouvelles recherches.%%%

Cet ouvrage répond donc bien à l’interrogation initiale. Premièrement il confirme la présence de ce qui est de l’ordre d’une « Nouvelle Autobiographie » dont les « Nouveaux Romanciers » sont représentatifs. La démonstration est autant de fois faite qu’il y a de contributions, chacune constituant des preuves. Deuxièmement, il  éclaire le lecteur sur les spécificités et les modalités de ces nouveautés dans l’autobiographie. Cependant, on peut reprocher à l’ensemble de ne pas bien définir une ligne terminologique précise et unifiée. En témoignent les différents termes ou expressions employés pour caractériser l’appartenance générique des différents textes envisagés : « autofiction »,  « autobiographie moderne », « Nouvelle Autobiographie » qualifient parfois les œuvres de mêmes auteurs et finissent par se perdre dans un « espace autobiographique » qui parce que de plus en plus vaste et donc riche, pourrait finir par devenir confus, faisant perdre aux particularismes, mis ici en valeur, leurs réels intérêts. %%%

Arnaud Genon

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