Last Goodbye

24 heures dans une vie : première permission après un long mois de réclusion forcée,

rdv 11h antenne RSA Place d’Italie, « mais monsieur vous n’avez pas de certificat d’hébergement ? ni la feuille d’imposition de la personne qui vous loge ? Mais non ce n’est qu’une boîte aux lettres, je squatte à droite à gauche, Mais vous ne dépendez pas de chez nous alors mais des sdf à Bastille, je vous donne l’adresse,

midi 30, déjeuner avec une amie très chère, entre la poire et le dessert apprendre son coup de poignard de l’été, un peu sonné hésiter entre la maladresse ou la faute,

marcher dans Paris noyé de soleil, aller à la fameuse antenne RSA qui s’occupe des SDF, y rester deux heures au milieu de mes nouveaux comparses, choc visuel et olfactif,

en sortir épuisé, décider de marcher dans Paris si beau, si vif, flâner Place des Vosges puis rue des Francs-Bourgeois, ivre de la foule, du monde, des gens, croiser Youssef Nabil et Isabelle Adjani, se parler, de Patrice notamment, se sourire, je balbutie mon émotion, nouveaux sourires, échange d’adresses,

aller baiser divinement bien avec un ancien amant, toujours aussi beau, si sensuel et sexuel, le quitter et aller chez le coiffeur rue Rambuteau, petit détour par les Mots à la Bouche pour acheter quelques livres, Pasolini, L’odeur de l’Inde,

fin d’après-midi retrouver de véritables amis Porte des Lilas, partager un armagnac 1972, danser, rire, pleurer, se coucher vers minuit, somnifères, la tête tourne, les montagnes russes.

Lendemain matin rdv à 10 heures avec l’éditeur, il est ok, le troisième livre paraîtra début mars, cool, c’est peut-être ça le plus important, rire avec l’éditeur : Untel est une sacrée pute quand même, il utilise la littérature comme un instrument de pouvoir, et celui-là, comme ses dents rayent le plancher, aucune décence, bon, putain de monde de bébés requin, on se serre la main, on s’embrasse, métro, bus, aller déjeuner avec celui qui est comme mon frère et qui déteste mes statuts (statues?) impudiques sur FB, morceau d’après-midi au parc Monceau, tout dire non pas pour s’exhiber, exaltation – ostentation de soi-m’aime, mais au contraire don, partage, main tendue, cri vers les déserts, aussi,

violence avec mon ex, rancoeur, gâchis, on ne se perd pas on se rate bêtement, meurtre symbolique… que de dégâts, tant de haine et de douleur, échanger quelques sms d’amitiémour avec Camille my love, un peu de tendresse enfin, de finesse, de compréhension entre les lignes,

recevoir un beau mail de Thierry Thieû Niang, répondre illico, je te serre fort moi aussi, ne nous perdons pas de vue,

le temps est toujours aussi radieux, rentrer à la clinique, faire un petit détour par la petite maison de l’ex, mettre une lettre manuscrite dans la boîte, arracher dans le jardin à mains nues tout ce que j’ai pu planter au printemps, les fleurs grimpantes, le framboisier, la menthe, le basilic et le thym, oui c’est moche pour les plantes – et je m’arrache une partie du coeur en faisant ça, mais il me faut extraire de terre les promesses de vie – je ne voudrais pas qu’elles fleurissent et donnassent (lol) des fruits dans mon dos : l’ex m’a foutu à la porte quand même, à la rue comme un chien début août, et rupture par mail, alors que j’étais à Nice à plusieurs centaines de km, quel lâche, même pas le courage de me le dire en face ! annihiler 3 ans d’amour et de vie commune pour quelques malheureux plans culs sans importance, simples errances dues à un terrible mal être, à un certain ennui dans ma vie de couple, et ce malgré les sentiments, je ne sais pas si c’est de la diffamation ce que j’écris, qui connaît mon ex de toute façon ? je reconnais juste que je n’aurais dû rentrer sur une propriété privée (le jardin), en même temps je ne suis pas entré dans la maison et la porte du jardin s’ouvre toute seule sur la rue,

last goodbye, gorge nouée, petites larmes amères, fatigue soudaine, métro, RER, bus, me voilà de retour rue d’Orgemont à Argenteuil, chambre 218P, dans ma clinique psy, il y a bien pire dans la vie, bien pire, je suis du côté des chanceux. Le pire des péchés étant de vivre sans être vivant.

Olivier Steiner

Mise en ligne Arnaud Genon