Serge Doubrovsky, père de l'autofiction est mort. IMG_9366.jpg

http://next.liberation.fr/culture-next/2017/03/23/mort-de-l-ecrivain-serge-doubrovsky-inventeur-de-l-autofiction_1557901

http://www.tdg.ch/culture/livres/Deces-du-pere-de-l-autofiction/story/16604152

Dans Le Monstre (Grasset 2014) https://www.amazon.fr/monstre-tapuscrit-origin…/…/2246851688, page 932, Serge Doubrovsky avait imaginé sa fin, une autre version de sa mort, datant de 1970-71.

"Je suis. LE DERNIER. INDIVIDUALISTE. Dernier survivant. Espèce éteinte. Peut- être malfaisante, malfaite. Diplodocus, dinosaures. Créatures préhistoriques. Monstres, c’est pas viable. Les sauriens. Vauriens. L’histoire élimine. Progrès condamne. Évolution supprime. Nous apprenons la mort, des suites d’un cancer généralisé, de l’écrivain, Serge Doubrovsky, décédé hier à l’Hôpital Américain de Paris. Si nous re- tenons ce détail, c’est qu’il résume curieusement, pour ceux de nos lecteurs qui se souviennent encore d’une œuvre aujourd’hui bien dépassée, le destin de cet auteur apolitique et apatride, bref, typiquement cosmopolite, des années 70. Il est intéressant de noter que le roman le plus considérable, ne serait-ce que par sa taille, de Doubrovsky, LE MONSTRE, et qui fut remarqué à l’époque, parut en 1975 un an avant l’élection triomphale de François Mitterand à la Présidence de la République, marquant le passage de la démocratie bourgeoise à la démo- cratie socialiste dans notre pays. Maintenant nue la construction du socialisme est depuis vingt ans consolidée, que non seulement les conditions de la vie, mais, conformé- ment au Programme historique de 1972, enfin appliqué, sa qualité même ont changé, maintenant qu’un homme, véri- tablement nouveau est apparu sur notre_vieille terre, on peut dire nue l’œuvre de Serge Doubrovsky garde l’intérêt d’un témoignage sur une ère révolue, un peu au sens où l’on patrie de butte témoin. Notre parti, qui, contrairement à tous les mensonges proférés contre lui avant notre prise en charge des responsabilités gouver- nementales, n’est pas le destructeur, ni le conservateur et le garant de la culture nationale, ne cherche en rien à faire "oublier" le passé, au contraire. Dans le cas présent, pour ceux qui, en ont le courage et la patience, il peut être instructif de relire LE MONSTRE. C’est comme le testament de la débâcle spirituelle d’une intelligentsia bourgoise, alors moribonde, une sorte de "chant du cygne", qui, malgré les longueurs et les lourdeurs, ne manque pas par moments d’une qualité poignante ni d’une cer taine sincérité. Victime de son total égoïsme et de son inhumain repli sur soi -— amplifiés par le recours aux méthodes d’investigation psychanalytiques encore prati- quées à l’époque, et dont il s’empara, non sans quelque habileté, pour faire, des techniques d’une pseudo- science, sa caisse de résonance personnelle --, le triste personnage de l’écrivain qui n’est autre que l’écrivain lui-même montre à quel point s’imposait la transformation de l’homme SOLITAIRE malheureux en homme SOLIDAIRE accompli. Toutes les souffrances de l’individu névrosé, dont on demandait alors la guérison à de vaines thérapeu- tiques individuelles, n’avaient en fait, comme la suite de l’histoire l’a prouvé, qu’une résolution : la révolution, lente, pacifique, mais irrévocable. Cela, même alors en 1975, Doubrovsky n’avait aucune excuse de l’ignorer, ou de faire semblant. Au moins peut-on lui reconnaître le mérite d’avoir joué son jeu néfaste jusqu’au bout, avec, certes, une infinie complaisance, mais sans indul- gence. Comme la jalousie, l’individualisme est à lui- même sa propre punition. Pour ceux qui seraient tentés de l’oublier, pour les nostalgiques du passé, s’il en reste, on recommande vivement de feuilleter ce gros livre (on peut encore se procurer ce volume, sur demande, au Centre des Éditions d’État, section Connaissances de l’Histoire). Cet ouvrage, à bien des égards horrible et horripilant, racheté, toutefois, par un humour très français, que des critiques racistes d’alors avaient tenté d’appeler "juif", servira de rappel salutaire ce sera dans l’Humanité-Livres, hebdomadaire, à la page 6. Échos et Nouvelles. Vendredi, 26 mars. Page 6, sur un tiers de page. C’est pas si mal. C’est mieux que rien. C’est pas des funérailles nationales. Mais quand même.

On m’aura pas tout à fait oublié. Quand mon espèce sera éteinte. Serge Doubrovsky (1928-1996). Nous apprenons la mort, des suites d’un cancer généralisé. Ça me fera 68 piges. Pourrai pas me plaindre. C’est vrai. Si je crève à Paris. Ce sera à l’Hôpital Américain. C’est logique.