La baraka d’Abdellah Taïa

Abdellah Taïa, Mon Maroc, Séguier, 2000

Le premier livre d’Abdellah Taïa, Mon Maroc, est un véritable ravissement au sens étymologique du terme : il nous entraîne, nous emporte, nous saisit. Le Maroc qu’il y dépeint se trouve être le prisme au travers duquel il décide de s’écrire, car dire son pays, c’est, d’une certaine manière, révéler ce que l’on est.

Les personnages, les lieux qui nourrissent l’ouvrage, constituent autant de miroirs permettant au narrateur-auteur de revenir sur sa vie, sur ce parcours qui, de la naissance à l’âge adulte, le mène de Rabat à Paris.

De chapitre en chapitre, au fil des rencontres, Abdellah se dévoile : relation à la mère, M’Barka, circoncision, premier amour, rencontres littéraires (Mohamed Choukri, Paul Bowles, Jean Starobinski), l’université, la vie à Paris.

On est souvent touché par cette sensibilité, par ce regard simple qui dit toujours vrai, toujours juste, par les émerveillements du narrateur, par ses joies, ses peines qui deviennent les nôtres.

Un des textes relate sa rencontre avec le critique Jean Starobinski, à Genève. Abdellah Taïa se donne alors pour but de toucher ses vêtements « pour avoir un peu de cette réussite, un peu de sa baraka ». Après être parvenu à sa fin, il se demande si la baraka de Starobinski est bien passée en lui… « Seules les années à venir me le diront » écrit-il. On peut aujourd’hui répondre que oui, la bénédiction, la réussite, la chance de l’auteur de La Relation critique lui a bien été transmise. Chacun de ses livres en est la parfaite illustration.

Arnaud Genon