Le livre de la mère

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Antoine Silber, Le Silence de ma mère

Editions Denoël, 2011, 13 € 50

ISBN : 978-2-20710933-5

La littérature, parfois, quand elle est vécue comme une nécessité vitale et cathartique, impose ses choix. Car il y a des choses que l’on dit, que l’on doit dire et que l’on ne peut pas falsifier, truquer. Le Silence de ma mère d’Antoine Silber est de ces livres-là et l’auteur-narrateur fait lui-même le constat qu’il ne pouvait pas se dérober : « En commençant ce livre, je pensais utiliser le pronom ‘il’ pour évoquer ce petit garçon qui est moi (…). J’essayais de mettre de la distance, mais ce ‘il’ me paraissait de plus en plus artificiel, j’avais l’impression de tricher » (p.25).

Pas d’artifice ici, pas de tricherie. Comme lors d’une analyse, celle que le narrateur entreprend avec Anne, il va s’agir de revenir à l’origine, « Remonter le plus loin possible en arrière, reprendre tout depuis le début, depuis avant (sa) naissance même » (p.25) pour raconter sa mère « contemplative et silencieuse » (p.35). Cette quête de la mère est aussi une recherche de soi, sur soi… Comment pourrait-il en être autrement, surtout quand l’enfant rêve d’une relation fusionnelle avec elle, relation que sa mère lui refuse. Sa mère, c’est un peu lui et les séparations – lors des années de pensionnat ou à l’occasion d’un voyage en Angleterre – n’en sont que plus difficiles…

C’est par des « bribes, des bouts de mémoire qui se détachent dans le désordre » (p.44) que le narrateur fait revivre ce passé, tente de comprendre ce personnage, ses silences, ses absences, ses fuites… Dépression blanche, artiste, « personnalité à part » (p.41), comment expliquer cet apparent détachement, saisir cet être secret, mystérieux ? L’écriture est cette tentative, simple, vraie et sobre, tout à la fois impuissante et nécessaire, en ce sens poétique.

Ce livre-là, qui est le livre de sa mère est peut-être aussi celui de toutes les nôtres, tout au moins, celui que l’on aimerait qu’il soit, s’il devait, un jour, exister : une preuve d’amour, racontée « presque comme ça vient » (p.25), capable de ressusciter, avec ses parts d’ombre, malgré ce qui nous échappe, celle qui n’est plus ou qui, un jour, nous quittera…

Arnaud Genon