Le temps du retour

000000000.jpg

Dora Latiri, Un amour de tn. Carnet photographique d’un retour au pays natal après la Révolution, Elyzad, coll. éclats de cie, 2013, 113 pages, 13€90.

« J’ai l’impression parfois d’être un flot de courants multiples. Je préfère cela à l’idée d’un moi solide, identité à laquelle tant d’entre nous accordent tant d’importance » lit-on en français, en anglais et en arabe, à la fin d'Un amour de tn.

La narratrice de ce « carnet » l’incarne bien, ce flot multiple. Elle, née en Tunisie, vivant en Angleterre, ayant beaucoup voyagé et travaillant en tant qu’universitaire sur la langue et les questions interculturelles. Ce flot multiple, ce flux et reflux, c’est aussi celui du temps qui passe et qui revient, à l’occasion de ce retour en Tunisie.

Le « je » est pluriel, comprend-on ici, il est traversé par ce qu’il a été, par ce qu’il est devenu, traversé de ce pays qui se donne à lire différemment, maintenant que le vent de la Révolution du Printemps arabe a soufflé. Ce « je » est aussi nourri de ceux qu’il a croisés, des amours qu’il a fallu quitter, du père dont le son de la voix résonne encore aux oreilles lorsqu’«une voix grave (lui) parle en arabe le matin», de la mère, des amis, de la langue…

Les photos, elles aussi, se répondent. Celles du passé, celles du présent, comme un « moi » invité à voyager dans le temps. Elles répondent au texte aussi, se lisent comme une écriture autre : celle de la lumière.

« Je suis d’ici / Je suis de là-bas / Je suis de là-bas / Et j’ai des souvenirs » lit-on au début d'Un amour de tn. Le voyage que nous propose Dora Latiri dans ce très beau petit livre est, on l’aura saisi, tout autant celui du temps que de l’espace. Des blessures et de ses apaisements.

Arnaud Genon